BRULURES

J’avais pu voir ce jour là, une nouvelle arrivante dans un service de chirurgie. Avez-vous déjà vu une femme brûlée au troisième degré, le visage tuméfié, les yeux fermés par la peau gonflée, à moitié rougis et à moitié purulent ?

Le corps ressemblait plus à celui d’un squelette, les dents pourries par le temps et les nombreuses cigarettes qu’elle avait fumé.

Elle sortait tout droit de l’enfer la peau encore toute carbonisée que les infirmiers faisaient tomber à chaque soin sur les champs stériles. La perfusion diffusait des calmants lui permettant de moins souffrir, de ne pas entendre ses plaintes, sa douleur, ses gémissements.

Son bras droit difforme et complètement désaxé ne pouvait être touché sans un hurlement comme si elle avait été maltraitée, rejetée, et encore une fois abandonnée. Personne n’avait donc remarqué ce handicap ?

Pourtant elle trouvait encore la force d’implorer la mort. Ses cris, ses phrases aigues, stridentes devenaient plus rauque par l’épuisement. Une voix enrouée de désespoir.

L’autre élève ne voulait pas rentrer dans sa chambre, il est vrai que je me suis moi aussi pris dans le jeu de l’ignorance, détourner les yeux pour ne pas voir la réalité en face.

Et pourtant une partie de moi me poussait à aller voir, à savoir comme pour relever un défi, combattre.

Je me suis forcé à faire ses soins, sa toilette intime, cacher mes expressions, ne pas être répugné par l’odeur du brûlé flottant dans l’air.

Au fur et à mesure du temps, on apprend à connaître les gens. J’ai commencé à rire avec elle, je me suis pris au jeu. Cette personne guérissait de jour en jour malgré la pathologie psychologique la faisant divaguer.

Elle me dévoila une partie de son passé approfondissant un peu plus certaines blessures.

Petite fille polonaise adoptée pendant la guerre, sa famille avait été fusillée par les nazis. De nombreux éléments manquaient mais le sentiment de déracinement était encore présent.

Aujourd’hui sans famille, elle se sentait abandonnée. Elle s’inquiétait de sa laideur mais moi je ne la voyais plus comme une image terrifiante. Ma camarade décida de la prendre en charge prise par les émotions, lui achetant des babioles, un réveil, une radio et quelques affaires de toilettes sans rien dire à personne.

Trois semaines plus tard, je la fis sortir pour la première fois de sa chambre. Ce qui me choqua fut le regard des gens, tournant les talons avec effroi, pitié, ou pire encore la regardant comme une bête tout droit sortie d’un film. Tout le monde aime le beau, le paradis et les anges mais pas ceux brûlé par les flammes.

Nous étions ensemble et tout le reste, je m’en foutais, elle m’avait appris à changer mes réflexes, ne pas être dégoûté, et surtout ne plus tirer au cœur devant la souffrance.

Tout se révèle à l’intérieur de nous même, c est notre cœur qui brille pour devenir un ange et non des ailes qui poussent dans le dos pour nous caractériser et encore moins une auréole.

japonmusashi@hotmail.fr

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