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blouses-rouges
14 juin 2009

japonmusashi@hotmail.fr

COMPLEXE post op

« Une partie de mon enfance consistait à vomir, s’étouffer, manger haché plusieurs fois par jours pour diagnostiquer un problème héréditaire de l’estomac. On m’a souvent répété tu es une petite nature sans doute par mon impossibilité à grossir. » 

J’ai un vide, une cicatrice à chaque fois que je me regarde dans le miroir et pourtant  je ne veux pas l’enlever, je suis trop attaché à ce symbole de mon passé. Je suis frêle trop pour ma taille, mon image est difforme, une vision que je cherche sans cesse à modifier, manger plus, toujours plus, pour grossir. Certains se disent trop gros et nous envient, nous, les frêles dans une société où la peau sur les os est devenu un canon de beauté. Une erreur car pour beaucoup cette fragilité ne s’accorde pas avec la société de plus en plus rude et prompte à la moquerie. Il faut être ni trop gros ni trop maigre en parfaite symétrie, un esprit sain dans un corps sain et tant pis pour les autres. La pensée humaniste  est devenue la marque publicitaire d’un régime anti –gros ou anti maigre. Le complexe est en chacun de nous,  il ne faut plus prêter attention à cette sensation où les regards se focalisent sur vous avec des paroles qui résonnent comme un marteau, vous sonnent et parfois vous blessent.  Tout est dans la tête les sueurs, les bruits, les nausées sauf  les interprétations bien réelles «  tu n’as rien mangé » «  mange plus,tu es tout maigrichon » «  je n’aime pas les os mais les hommes corpulents » «  Eh ! Toi le squelette tu ne risques pas de te noyer dans la piscine » «  ta mère te donne à manger que du riz ».

Les médicaments apaisent un moment le serpent œsophagien se nouant autour de ma gorge. Je n’arrive plus à avaler, je n’arrive pas à me détendre, je suis crispé : tout ce monde lors d’un repas, les portes d’un restaurant me poussent  à régurgiter avant même de m’être gavé.

Pourquoi suis-je effrayé à l’idée de partager un repas, je suis sur mes gardes.  Je ne veux pas être le con du diner, celui qui n’a pas faim, je suis comme obligé d’avoir un bon coup de fourchette pour ne plus que l’on me demande mon poids inchangé depuis des années. Je me gave parfois comme pour faire éclater cette malformation qui ne m’a jamais donné confiance en moi.

Ce corps frêle est devenu pour beaucoup un symbole d’immaturité alors que je suis un homme, faut’ il être grand et fort pour ressembler d’avantage à un homme ? Où est ce dans ma tête ?

J’aime manger, j’ai envie de prendre du poids mais je n’y arrive pas, je mène un dur combat dans chaque lieu clos entouré de monde où la bonne bouffe est de rigueur. La rigueur, la surveillance, les transmissions,  me rappellent un vague souvenir lointain. 

Je ne suis plus malade mais les symptômes restent, mon estomac est fragile me répète ma mère. Je n’y crois pas, je ne veux pas, je ne souffre pas, je suis guéri alors pourquoi ?

Le repas est ce qui a de plus important car bien manger,  c’est  aussi  partager avec l’autre. Une phobie une angoisse que je ne maitrise pas comment ne pas paniquer, ne pas s’affoler devant l’impossibilité de déguster avec celle que l’on voudrait aimer ou avec ceux que l’on adore.

Je suis  rongé par l’angoisse de ses sentiments, une phobie, j’en ai une, celle d’aimer simplement, un manque, un trou béant me fait vomir quand il se comble. Les repas sont devenus pour moi des combats, des incompréhensions, je ne suis pas anorexique, je ne suis pas boulimique mais troublé. Mon contact avec le monde extérieur est difficile, pourtant je sais que je ne suis pas le seul à connaitre ce mal inconnu. Un vilain démon qui vous ruine, vous désespère et vous rend négatif avec parfois des idées sombres, qui vous hantent. Un nuage sur la tête qui vous empêche d’apprécier le soleil de demain. Qu’est ce que c’est ? Personne ne le voit et pourtant un petit nombre en souffre cruellement. On vous dit de belles paroles on sourit devant les sueurs, les palpitations, les nausées, la boule dans la gorge qui vous noue sans que vous puissiez vous détendre et manger.

Lorsque l’on m’invite au restaurant, avec des personnes que je connais ou non je me sens mal, terrorisé comme le petit enfant que j’étais autrefois. Mes sensations sont détruites par la peur et je n’arrive même plus à apprécier les bons moments. Je suis prostré et enfermé sur moi sans finalement prendre le temps de regarder autour de moi focalisé sur ce qu’il y a derrière mon nombril.

Pour les psychologues tout est en rapport avec l’enfance, un parent omniprésent vous empêchant de vivre de vos propres ailes. Peut-on reprocher d’être trop aimé dans un cocon familial bourré de tendresse. Une petite croix minuscule à porter contrairement à d’autres. Je ne fume pas, je ne bois pas, je ne me drogue pas même si beaucoup autour de moi le font, certains me voient équilibré, vaillant, fort et pourtant je suis bloqué, mes sentiments sont une vrai torture, je ne sais plus reconnaitre les bons et les  mauvais, il n’y a aucune différence, un fléau broyant mon estomac douloureux, agissant sur mes pensées,

Comment se construire un bel avenir ? 

Je me découvre chaque jour un peu plus et pourtant mon avenir comme tant d’autres est flou. Comment peut-on se plaindre de la paix, de la joie et du confort ? Les  difficultés nous permettaient autrefois  une remise en question,  d’avoir un objectif  celui  de trouver un moyen, une quête du bonheur trouvée dans l’action solidaire et compréhensive. Un ami m’a conseillé une fois de rire de nos démons mais ils ne sont pas drôles. Existe-t-il encore des soignants qui vous écoutent, vous soignent avec cet esprit bienveillant sans juger ? N’y a-t-il personne qui vous écoute sans monnayer ou pressé par le temps.

L’hôpital était le refuge de tous les maux, un asile contre la douleur, un repos pour l’esprit, un tranquillisant, une pause  pour se replonger dans la vie et ses tourments.

Quand on va mal où va-t-on ? Si l’hôpital n’est plus que reste-t-il ?

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blouses-rouges
  • Anamnésis est né quelque part dans les années quatre-vingt. De un à cinq ans, il joue à cache cache avec la mort dans les hôpitaux et heureusement pour nous il en réchappe. De cette entrée dans la vie douloureuse nait le désir d’aider autrui, de restituer
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