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blouses-rouges
19 juin 2009

japonmusashi@hotmail.fr

LES VIEUX POIDS DE

LA SOCIETE

Pas de médailles, pas de compliments seulement faire son travail sans laisser la merde à ses collègues pour le confort des gens. Sommes-nous là pour laisser mourir nos anciens ? »

Une personne âgée  avait dès le matin commençée à décompenser comme il était écrit dans les transmissions. Une SAT à  84%* (saturation de l’hémoglobine en oxygène) avec  des difficultés à respirer, le teint cireux, sans grande expressions avait confirmé l’équipe du matin.

Une petite pensée me vint à l’esprit : «  on refile les difficultés aux collègues sans vraiment se soucier du nombre surtout le soir ».

Il n’y avait pas d’infirmière dans cet établissement entre 18h 30 et 21h36 et comme par hasard quand on a besoin personne ne peut vous aider. Cet après midi là j’eus une petite discussion sur deux sujets sans vraiment faire le lien entre les deux, j’aurais préféré ne pas avoir eu à le faire ce soir là.  J’interpellais sur les différences entre infirmiers et aide soignant en  posant une question qui mis mal à l’aise voir en colère l’I.D.E* (infirmier diplômé d’état) mettant un terme assez rapide au débat.

Pourquoi les infirmières ne travaillent t’elles pas jusqu’à 21h36 pour épauler les aides soignants dans leur service et ainsi ne pas les laisser seuls ? Elle me répondit : «  je ne pense pas servir à grand-chose à ce moment là et j’aide plus dans la journée ».

Il est évident les aides soignants sont payés à se casser le dos, à recoucher les gens seuls. J’étais convaincu de l’importance de l’infirmière surtout en cas de demande d’hospitalisation d’urgence. Sommes-nous aptes à transférer les personnes et expliquer à un  médecin au bout du fil le problème ? Par la force des choses je dirais « oui ». Il est de plus en plus rare de trouver des infirmières en maison de retraite et donc de moins en moins nécessaire puisque des habitudes ont été prises sans.

Cet homme  en fin de vie avait donc une épée de Damoclès au dessus de sa tête, seul mère nature, la grande faucheuse, voire la divine providence pouvaient choisir entre le laisser vivre ou mourir. Un choix difficile mais vite approuvé quand même,  espérant une amélioration après l’aspiration des  sécrétions l’encombrant. Il arrive parfois de douter, de ne pas savoir, je ne me voyais pas laisser cet homme agonisant sans rien tenter pourtant il n’y avait aucune indication écrite.

L’homme  au plus mal avait déjà les extrémités bleues et l’une de mes collègues ne savait pas  se servir des appareils et prendre des initiatives.

Je  m’énervais  un peu,  mon adrénaline montait « l’infirmière aurait du le transférer avant et non attendre », je bouillais.  Mes collègues m’aidèrent dans mes démarches ce qui m’apaisa un peu. Je pris le combiné téléphonique et appela l’infirmière référente à ce jour pour lui demander conseil tout en lui rappelant les besoins du service. Le doute était encore perceptible avec un homme descendu à 65% de SAT. Il paraissait presque absurde de l’envoyer pour certains, peut être en début d’après midi mais il fallait pour sur éviter le décès.

Nous rédigeâmes les circulaires de mots incompréhensibles, de noms de traitements indéchiffrables, de pathologies incompréhensibles pour nous.

Il arrive parfois d’appeler les urgences et de parler malheureusement avec des personnes odieuses au téléphone malgré les besoins. Ne sommes nous pas tous dans la même galère ? Une femme me posa une série de question avec un ton hautain, ennuyée d’avoir à faire à un  simple aide soignant, le soupir en disait long. Je perdais du temps, je devais ravaler ma salive pour essayer de convaincre. La négociation fut longue et la personne daigna en fin me passer un médecin coordonateur. Il faut savoir que les petits hôpitaux doivent demander l’autorisation au grand centre de la ville de référence pour obtenir ne serait ce qu’une ambulance. 

Le médecin coordonateur criait dans le combiné téléphonique outré, j’avais prononcé un mot interdit pour un service de soins pour les vivants «  fin de vie »,  Il faut dire cette personne est autonome d’habitude ou jeune sinon ils hésitent à vous envoyer du renfort comme ce soir là.  J’eus donc le droit à un cours magistral sur la fin de vie. Il ne fallait pas envoyer le résident mais je m’en foutais, je ne concevais pas de devoir le regarder impuissant. La terreur, l’angoisse se lit sur le visage d’une personne qui cherche à respirer. Ce médecin sans doute très compétent par téléphone me rabaissa enfonçant le doigt sur mes difficultés à m’exprimer. J’essayais  de décrire de mon mieux l’état du résident, j’étais un moins que rien devant un interlocuteur inconnu, il débitait un jargon médical inaudible pour le commun des mortels, et pourtant l’homme âgé était bien entrain d’agoniser.

Finalement, il se mit à mon niveau intellectuel pour me demander la décision commune qui avait été prise mais comme dans le service rien n’était clair comment pouvais je le savoir ? 

Les ambulanciers une fois arrivés après un long combat énervant au combiné, s’occupèrent  très bien des premiers soins en lui mettant un peu d’oxygène. Je dois dire que les situations ne sont pas tout le temps chaotiques. 

Je rappelais l’infirmière chez elle vers 21h afin de marquer le coup pour  lui dire : « on  avait besoin de toi ». 

L’homme vécut un an de plus même si son état était alarmant, j’avais pris la bonne décision, un réconfort, une récompense rendue possible par l’acharnement. Il n’allait donc pas mourir tout de suite comme il avait été prédit.

On ne recherche pas à être important aux yeux des autres ni à être félicité,  on fait son boulot avec parfois des  reproches,  des mots blessants avec la mauvaise conscience de laisser souffrir quelqu’un. L’instinct, les réflexes vous guident avec cette petite voix ne vous laissant jamais tranquille. Il faut être calme avec ses collègues, ne pas toujours suivre l’avis général même si la révolte consume la raison avec l’envie d’envoyer paitre le monde entier.

Je suis heureux d’avoir eu du soutien de mes collègues au regard révolté elles aussi,  mes seules béquilles après le tacle du médecin.

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  • Anamnésis est né quelque part dans les années quatre-vingt. De un à cinq ans, il joue à cache cache avec la mort dans les hôpitaux et heureusement pour nous il en réchappe. De cette entrée dans la vie douloureuse nait le désir d’aider autrui, de restituer
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